Mis à jour le 11/12/19 11:28 | Publié le 11/12/19 7:00

Deux fronts se tiennent tête : le SPFP autour de Christian Schleck et l’état-major de l’armée qui veut se prémunir d’un scandale. Le syndicat a livré sa version détaillée de l’affaire mardi, malgré des zones d’ombre.
Ces tensions entre l’armée et ses représentants syndicaux auraient
commencé en 2006, année de la nomination de Jean-Louis Schiltz au
ministère de La Défense, selon Patrick Frantz, ancien président du SPAL
(syndicat professionnel de l’armée). Lui-même aurait subi des pressions
de la part de l’état-major. Il aurait été forcé de porter l’affaire face
au tribunal administratif. «La hiérarchie a toujours tenté de faire
pression sur les représentants syndicaux avant les assemblées générales
du SPAL. Elle a souvent par le passé essayé de faire exploser notre
comité», affirme-t-il. «Il est temps d’en finir!»
Christian Schleck ne serait dans ce cas qu’un bouc émissaire «muselé»
pour l’exemple par la grande muette. Le SPFP – auquel appartient le SPAL
– est en effet persuadé que l’état-major de l’armée a voulu faire taire
son vice-président et président du SPAL. Mardi, le comité du SPFP – ou
ce qu’il en reste après la désertion de trois membres du SPAL – est
revenu sur l’affaire dans les moindres détails de ce qui lui était
permis de dire. Preuves à l’appui, le syndicat a expliqué pourquoi il
faisait front commun derrière Christian Schleck et défendait coûte que
coûte le principe de la liberté syndicale. Et pourquoi il continue de
demander la tête du chef d’état-major de l’armée, le général Duschène.
Pour rappel, Christian Schleck avait dû quitter manu militari son poste
au bureau d’information de l’armée. L’affaire remonte au mois de mai
dernier. Une demi-heure avant l’assemblée générale du SPAL, alors qu’il
s’apprêtait à critiquer le régime de travail de l’armée, Christian
Schleck avait reçu un «message d’intimidation» le convoquant à un
rendez-vous pour «discuter de son avenir au sein de l’armée» alors qu’il
avait été convoqué à un entretien individuel le surlendemain.
«Le SPFP n’abandonnera pas»
Lors de cet entretien, on lui avait fait comprendre «par oral et par
écrit» que «son activisme syndical posait problème pour l’exécution de
la tâche à laquelle il était affecté» au bureau d’information de
l’armée. Une nouvelle affectation lui avait été proposée. Christian
Schleck avait marqué son désaccord bien que les jeux soient déjà faits
pour lui. Dans l’armée, on ne refuse pas un ordre.
L’état-major, quant à lui, se défend – mal, selon le SPFP – d’avoir
voulu porter atteinte à la liberté syndicale et met notamment en avant
une rotation de poste intervenant «tous les trois ou cinq ans». Les deux
adversaires s’affrontent autour de Christian Schleck et de son sort
jusqu’au 26 novembre dernier, quand le SPFP réclame la tête du chef
d’état-major après avoir énuméré les manquements dans l’armée et les
incohérences administratives de l’affaire Schleck.
Qui a tort ? Qui a raison ? L’affaire est complexe et présente de
nombreuses zones d’ombre, et ce, d’autant que le SPFP se dit contraint
d’en taire certains aspects. Notamment concernant la nouvelle
affectation de Christian Schleck au bureau d’ordre de l’armée. Cette
nouvelle mission ne lui permettrait plus de s’exprimer dans le cadre de
ses activités syndicales. Il serait tout bonnement contraint d’y
renoncer s’il souhaite rester militaire, selon le SPFP. Une énième
preuve pour le syndicat que l’armée veut le «museler».
Pourquoi ne pourrait-il pas s’exprimer dans le cadre de cette mission et
qu’est-ce que le bureau d’ordre de l’armée? Ni le SPFP ni Christian
Schleck et son avocat n’ont souhaité s’avancer. «C’est top secret. Nous
ne pouvons pas vous répondre, car nous pourrions avoir des problèmes»,
assure Pascal Ricquier, le président du SPFP. Des peines au pénal et une
radiation de l’armée sont évoquées. Les mêmes représailles que
risquerait Christian Schleck s’il enfilait aujourd’hui sa casquette de
représentant syndical.
Départements secrets, manquements à la procédure légale relative à un
changement d’affectation qui ont mis Christian Schleck devant le fait
accompli de sa réaffectation, quiproquos autour de la signature de
Christian Schleck des documents actant de sa réaffectation, tentatives
de justification «maladroites» de la part de l’armée… L’affaire Schleck
est complexe et n’est pas près d’être terminée. «Le SPFP n’abandonnera
pas jusqu’à ce que justice soit faite dans ce dossier où le public
concerné a clairement été induit en erreur», note le SPFP qui affirme
que l’état-major a proféré «nombre d’affirmations inexactes» qui avaient
pour but d’entraîner la «destruction entière et systématique, publique
et privée, de Christian Schleck».
L’antagonisme semble venir du fonctionnement même de l’armée, basé sur
l’ordre et la discipline, qui est diamétralement opposé au
fonctionnement syndical qui remet en question et bouscule l’ordre
établi.
Sophie Kieffer
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